“Viens amer conducteur. Pilote désespéré, vite! Lance sur les brisants ma
barque épuisée par la tourmente! A ma bien aimée! (Il boit le poison) Je meurs
ainsi …! Shakespeare, Roméo et Juliette
Qui n’a pas le doux (et vain) espoir, en lisant Shakespeare, de voir
Juliette se réveiller quelques secondes plus tôt, ou dans la version de Baz
Luhrmann, de voir Léonardo faire preuve d’un peu de patience avant d’appuyer
sur la gâchette …
La vie est d’abord et avant tout un concours de circonstances. Etre là au
bon moment.
Une rencontre, un regard, une parole … Des destinés entières ne tiennent
souvent que dans ces quelques instants où l’on a su prendre la bonne décision
ou adopter le bon geste. Francis Cabrel dédie d’ailleurs une chanson à ces
rencontres inachevées :
Francis Cabrel les
passantes
(Poème d’Antoine Pol)
Dans Le Club des Incorrigibles
Optimistes[1],
Michel Marini, le héros, fait une rencontre aussi inattendue qu’agréable :
il « tombe » littéralement sur une jeune fille tout aussi passionnée
de lecture que lui. Les deux compères entament une passionnante discussion mais
ne prennent pas le soin d’échanger leurs coordonnées respectives …
Désespéré de cette erreur, Michel partage son malheur en ces termes :
« J’ai couru. Elle avait disparu. J’ai regardé de tous les côtés. Elle s’était volatilisée. Comment la retrouver, sans aucun indice ? Est-ce que le hasard nous remettrait face à face ? Ou les planètes ? La chance ne passe qu’une seule fois à votre portée. Si vous ne la saisissez pas, tant pis pour vous. J’avais gâché une occasion unique et exceptionnelle et ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Je m’en suis voulu comme jamais. Mais si tout était prévu, il était peut être écrit qu’on était faits pour se télescoper, que je la laisserais partir sans son nom et son prénom et que j’errerais jusqu’à la fin des temps à sa recherche. Je la croiserai peut-être dans soixante-dix ans. (…) Elle aurait souvent pensé à moi avant de se marier par dépit et d’avoir six enfants. On connaîtrait enfin nos prénoms. Je lui prendrais sa main décatie. On se sourirait avec tendresse. » (p. 549, Le livre de poche)
Si ces lignes remplies de pathos et d’hyperboles donnent presque plus à
rire qu’à pleurer tant le héros de douze ans (!) semble dramatiser une rencontre
qui, après tout, fut joyeuse, elles révèlent néanmoins qu’une rencontre essentielle
peut arriver n’importe où et n’importe quand.
Tout aussi effrayante qu’exaltante, cette réalité
invite à être éveillée …
…
Hum … sortirai-je aujourd’hui ?
[1] Le Club des Incorrigibles
Optimistes, Jean-Michel Guenassia, Le Livre de Poche, 730 pages, Prix
Goncourt des Lycéens 2009
J'ai adoré lire cet article ! Trop court à mon gout...on en veut encore !!! :)
RépondreSupprimerPromis, j'essaierai de faire un peu plus long une prochaine fois pour satisfaire votre gourmandise ...
RépondreSupprimerMerci en tout cas de me suivre !