“L’art ce n’est pas la représentation
d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose” Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger
Voilà sans doute la plus célèbre citation de Kant en matière d’art. Le
spectateur est donc posé comme acteur de la définition du beau. Soit. Mais
au-delà de cette réflexion, cette analyse ne nous incite-t-elle pas à nous
détacher de l’idée de douceur et surtout d’harmonie que la beauté,
instinctivement, appelle ?
C’est en tout cas certainement comme cela que l’équipe des événements CLIP
& CLAP du Louvre a appréhendé sa dernière création, ce vendredi 13 janvier,
intitulé « La Joute, la musique adoucit les meurtres », pour avoir
fait interpréter la sonate en Ré mineur de Dominico Scarlatti (1685-1757) … à
la guitare électrique !
Titre étrange et percutant donc que celui de cette dernière session CLIP
& CLAP. Elle offre au spectateur une exploration de la musique en images
(films, clips et interviews à l’appui) et en concert live, extraordinairement
originale, fournie et riche et nous interroge sur la place de la lutte au sein
d’un univers souvent sacralisé, considéré comme un havre de paix et idéalisé
tel un espace hors temps, rempli d’humanité et d’harmonie : la musique.
Pourtant, après plus d’une heure d’analyses des combats qui y sont l’œuvre, il apparaît évident que les rapports musicaux en sont pétris et
nourris. L’étude de la joute dans
la musique est en réalité fondamentale pour la comprendre : si la musique
est faite pour être écoutée et partagée, elle appelle donc les parties prenantes
à une communion mutuelle. Est-elle pour autant purement pacifique ?
Les prouesses musicales, toutes virtuoses qu’elles puissent être, ne sont-elles
pas porteuses de rapports ambivalents ? Autrement dit, ce partage d’un
savoir et d’un plaisir commun ne se fait-il pas sur fond, au moins en partie,
de rivalité ?
L’adaptation de la Rapsodie Hongroise numéro 2 de Liszt dans les dessins
animés Tom et Jerry ou Bugs Bunny où l’on voit s’opposer respectivement le chat
et la souris et le lapin et la souris, le duel Banjo/ guitare du film Délivrance tel un pretexte à l'affrontement entre un guerrier et un jeune autochtone pendant la guerre du Vietnam ou encore l’impertinence
de Mozart face à Salieri dans Amadeus,
nous révèlent que le défi et la cruauté sont monnaie courante en musique.
Belle représentation, disiez-vous ?
Tom et Jerry: Rapsody hongroise n°2, rebaptisée Cat Concerto par la MGM
Bugs Bunny: Rapsody hongroise n°2, rebaptisée Rhapsodie Rabbit par la Warner
Extrait du film Délivrance (1970) : Une relation de défi en musique naît entre un Américain et un autochtone, sur fond de guerre du Vietnam
Extrait du film Amadeus (1984) : Mozart, interprétant l’œuvre de Salieri après l'avoir seulement entendu, humilie ce dernier
Pour en savoir plus sur les événements CLIP&CLAP du Musée du Louvre : http://www.louvre.fr/cycles/clip-clap-une-encyclopedie-de-la-musique-en-images/presentation#tabs
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