jeudi 19 janvier 2012

Je t’aime mon amour sur la plage à mourir ...



« Chrysalde:
Si n’être point cocu vous semble un si grand bien,
Ne vous point marier en est le vrai moyen. »
Molière, L’école des femmes, Acte V Scène 9

Ce conseil emprunt d’une sournoise ironie de Chrysalde à un Arnolphe qui se voit ravir Agnès par un jeune amant (Horace) est révélateur d’un état d’esprit assez couramment partagé : à ne rien faire, nous ne risquons rien.
Les partisans de l’aphorisme inverse vous répondraient qu’une telle inanité est plus douce que les tourments dans lesquels l’action vous plonge.
Si nous cherchions un juste milieu nous tomberions sur La Blessure amoureuse. Essai sur la liberté affective du philosophe Alain Cugno.

Décortiquant les sentiments amoureux, cet ouvrage aborde un sujet sur lequel tant de banalité ont déjà été dites.
« Je t’aime mon amour sur la plage à mourir » déclare Renaud en plein concert pour se moquer de ces chansons à l’eau de rose.
Voilà pourtant un livre qui mène un travail si ce n’est pédagogique, du moins inédit de verbalisation – ou plutôt d’écriture -  de nos sentiments, que nous avons nous-mêmes bien souvent du mal à comprendre et analyser.
Le philosophe Alain Cugno pose simplement la question « Que voit-on quand on voit celle qu’on aime ? » et y répond ainsi : « En regardant celle que j’aime je vois ce qu’elle verrait si elle pouvait se voir, mais elle ne se voit pas. »
Aimer c’est donc voir.
« Il n’y a pas de personnes aimables et d’autres qui ne le sont pas, tout dépend de ce que nous voyons d’elles »
Voilà qui réchauffe le cœur !
Pourtant, loin des violons des comédies romantiques et fidèle à son titre (et à la réalité !), il appréhende bien sûr les sujets épineux des blessures amoureuses. Ces cas où l’on se sent bien seul à voir, où l’on (ou l’autre) s’arrête de voir, ces cas de « passions malheureuses » telles qu’il les appelle. Il ne se contente pas de mettre des mots sur les méandres de sentiments. Il tente et propose une issue au piège de la passion malheureuse :
« Trouver une issue signifie donc la possibilité de quitter l’endroit où l’on a été blessé (…) sans rien perdre de l’attente du prodige escompté et sans pour autant l’attendre. »
Cette lecture, loin de nous donner le mode d’emploi, nous donne donc des clefs et nous éclaire sur le mystère de la fameuse alchimie du coup de foudre.
Il est en tout cas certain que l’auteur nous donne envie de laisser parler Chrysalde et de dire plutôt avec Perdican (On ne badine pas avec l’amour, Alfred de Musset, Acte II, scène 5) :
« J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. »
 Et en guise de tarte à la crème sur ce thème ...
 
La Blessure amoureuse. Essai sur la liberté affective, Alain Cugno, Seuil,  2004, 18€

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