mercredi 22 février 2012

Il était une fois l’enfance



“Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. (…) J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle? Que signifiait-elle? Où l’appréhender? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi.” A la recherche du temps perdu, Marcel Proust
L’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût et la vue.
Souvent dissociés pour mieux être appréhendés, nos cinq sens sont parfois entremêlés. Et c’est peut-être précisément dans ce mélange que se loge leur pleine expression.
Les souvenirs d’enfance sont d’ailleurs typiques de ce phénomène.
Une balançoire de camp de vacances qui nous rappelle nos nombreuses après-midi de chamaillerie, un dernier virage d’un long périple qui laisse se découvrir la maison de vacances, une porte grinçante qui a l’odeur particulière des fins de veillées de colonie  ou encore une montagne qui nous plonge dans nos fameuses randonnées perçues avec nos yeux d'enfants comme des aventures d'une extraordinaire audace …

Un paysage de vacances rempli de doux souvenirs, comme tant d'autres

Et finalement, un lieu qui finit par sentir l’enfance elle-même. Toute la difficulté consiste alors à réimporter du souvenir neuf dans ce lieu si connoté dans le passé. Lui donner une deuxième vie.
Les choses ont cela d’extraordinaire : elles ne demandent qu’à trouver une fin, à la fois sous la forme de finitude et d’objectif.
Les enfants ont cela d’extraordinaire : ils redonnent vie, sans même nous prévenir, à tous nos souvenirs.
Il était une fois l’enfance
Et parce qu'accepter de grandir c'est aussi assumer ses propres souvenirs comme tels, tout en refusant de dire que "les choses ont gagné, c'est leur territoire":


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