mardi 4 septembre 2012

De la folie douce


Harpagon
(criant au voleur dès le jardin, et venant sans chapeau.)
Au voleur ! au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m'a coupé la gorge : on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? n'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête.
(À lui-même, se prenant par le bras.)
Rends-moi mon argent, coquin... Ah ! c'est moi !
L’Avare, Molière
À l’image de ce pauvre Harpagon qui, découvrant que son butin a été volé, délire jusqu’à confondre son propre corps avec celui d’un autre, il peut arriver d’affabuler en faisant preuve de la plus grande paranoïa.
Comment y remédier ? Pas certaine qu’il le faille.
C’est en tout cas, c'est ce que semble nous susurrer Eric Emmanuel Schmitt dans son poétique roman Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus.


Dans une Chine où la politique de l’enfant unique règne, madame Ming raconte à qui veut bien l’écouter, la vie de ses dix enfants. Tous ont une histoire singulière.
En réalité, c’est surtout au héros, un Français venu travailler en Chine, qu’elle raconte les aventures de ses descendants potentiels. Sénilité, délire ou aveux d’une vie hors la loi ? C’est dans cette incertitude que le lecteur avance dans sa lecture.
A l’aide de proverbes chinois ou des vies variées de ses enfants, elle inverse finement la situation : nous devenons incertain de nos certitudes. La frontière entre folie et réalité devient ténue. Sommes-nous finalement bien certains que cette responsable des latrines du Grand Hôtel de Yunhai n’a pas effectivement eu dix enfants ?
Cet ouvrage, plus proche du conte que du roman, bouscule nos certitudes d’Européens et nous propulse dans une Asie poétique dans laquelle la philosophie n’est jamais très loin.
Inutile de dire que Madame Ming bouleverse la vie du héros…


De la folie douce

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